Princesse Pivoine (nobi nobi !)

La princesse Aya vie dans la province d’Omi dans un superbe château isolé du monde extérieur. Depuis la mort de sa mère, son père, un seigneur féodal japonais, la protège comme si elle était son bien le plus précieux car elle est sa fille unique. Le château est entouré d’une muraille de pierre et des gardes parcourent le jardin pour repousser les éventuels intrus.

Aya arrive sur ses 18 ans et son père pense qu’il est temps de la marier. Comme le veut la tradition au Japon, le mariage est arrangé entre les parents sans que les époux aient eu l’occasion de se rencontrer. Mais Aya est confiante dans les choix de son père et accepte cette tradition sans broncher. Cependant, son cœur semble déjà appartenir à un autre homme, il s’agit d’un mystérieux samouraï qui l’a sauvé de la noyade. Le cœur de Aya souffre en silence et sa santé finie par décliner. Le père d’Aya finit par découvrir la vérité sur la maladie de sa fille et veut tout faire pour trouver ce samouraï. Malheureusement son apparition soudaine comme sa disparition sont inexplicables car les gardes auraient au moins dû le voir. Le père d’Aya n’a plus beaucoup de temps pour résoudre ce mystère si il veut que sa fille retrouve le moral et la santé.

L’auteur du texte original est Richard Gordon Smith, un anglais qui a parcouru le Japon pendant 5 ans pour recueillir des contes anciens généralement transmis uniquement à l’oral. Il fut le premier à retranscrire par écrit l’histoire de la Princesse Pivoine et il a su parfaitement rendre les éléments sociaux culturels typiques de cette époque.

Le texte est appuyé par les illustrations d’Ein LEE qui a trouvé le ton juste pour évoquer l’ambiance colorée des estampes japonaises qu’elle a su associer avec subtilité aux archétypes narratifs et visuels du shojo manga. Le résultat est graphiquement très réussi, c’est dense sans jamais être chargé car le travail sur la luminosité est parfaitement maîtrisée pour coller au plus près au ton du texte qu’il illustre (sombre ou léger). Ce livre pour enfant est donc une excellente immersion visuelle dans l’ambiance du Japon médiéval car rien ne manque à l’appel (kimono, samouraï, esprits de la nature, architecture).

L’éditeur nobi nobi a eu la délicatesse de glisser deux pages de croquis de recherches qui attestent du talent de la dessinatrice. C’est inhabituel pour un livre pour enfant, mais c’est un bonus agréable à regarder. Signalons aussi que juste avant cette galerie se trouve un lexique qui explique en détail quelques objets ou faits historiques, ce qui permet aux parents de se situer et de répondre aux questions des enfants.

Malgré des qualités graphiques évidentes, il faut reconnaître que l’histoire accroche beaucoup moins les enfants que l’Oiseau Rouge qui vise le même public. Est-ce à cause de la fin qui est un peu trop sombre pour qu’ils aient envie d’y revenir, à moins que ce ne soit à cause du fait que le conte est basé sur une histoire d’amour ? En effet le « coup de foudre » qui nait au premier regard est un concept un peu trop abstrait pour des jeunes enfants (même pour les filles).

En tant que parent, j’ai un peu tiqué en racontant ce conte qui semble réduire l’amour à une attirance superficielle basée sur l’esthétique et qui présente le mariage comme un devoir familial. Les valeurs communiquées sont clairement d’une autre époque et il est nécessaire pour les parents de recadrer les enfants après la lecture de cette histoire afin de leur expliquer que l’amour ne se limite pas à cela.
Ce livre reste malgré une bonne immersion dans l’univers traditionnel japonais et ravira tous les fans de l’archipel nippon qui veulent communiquer un peu de la richesse de cette culture à leurs enfants.