Kotori – Le chant du Moineau (nobi nobi !)
Yûjirô trouve sur le sol Kotori, un pauvre moineau qui s’est brisé l’aile. Il décide de le soigner contre l’avis de son épouse qui voit d’un mauvais œil cet animal qui mange leurs maigres ressources alimentaires et accapare toute l’attention de son mari.
Jalouse, elle prend pour prétexte de l’avoir vu voler de la nourriture pour mutiler le pauvre animal. Terrorisée, Kotori s’enfuie au grand désespoir de Yûjirô qui partira sans tarder à sa recherche.
Le graphisme chatoyant, contraste avec la dureté de l’histoire. Il se dégage de ce récit une violence intrinsèque propre aux contes pour enfants anciens (que ce soit en Europe ou au Japon). Ce n’est pas très surprenant dans la mesure où Kotori revisite un célèbre conte traditionnel japonais : « Shitakiri Suzume » (« le Moineau à la langue coupée »), conte cruel retravaillé au 19ème siècle afin de pouvoir toucher les enfants. Malgré cela, la mutilation d’un animal au seul prétexte qu’il a volé quelques grains de riz est difficilement compréhensible pour de jeunes enfants contemporains. Au moins, cela a le mérite de dépeindre un tableau particulièrement noir de l’épouse de Yûkitô ce qui focalise toute l’animosité du lecteur sur elle.
Dans cet environnement manichéen, la fin détonne énormément, le récit est calibré pour amener cette méchante femme à une issue tragique qu’elle aurait amplement méritée, au lieu de ça, après ce qui ressemble à une punition (qui aurait dû être mortelle), l’histoire saute en une page sur un happy end inattendu.
Tous les protagonistes se retrouvent autour d’un bon repas dans un environnement apaisé comme si toutes les mauvaises actions faites par la vieille femme étaient juste oubliées au risque d’en affecter la cohérence globale.
La façon dont ce termine le récit a le mérite d’éviter les cauchemars aux plus petits mais pas les interrogations. Il faudra faire preuve d’un peu de recul et d’imagination lorsque vous donnerez vos explications (Papa, ça sert à quoi de boire l’eau sale ? La vieille a fait semblant et ça a rien changé, on lui a montré le chemin quand même… Heu, pas bête comme remarque…. Attends je réfléchis…)
Le charme de ce livre tient surtout dans la capacité immersive des dessins de Shigatsuya qui nous plongent dans un Japon traditionnel et onirique alternant avec bonheur des décors variés dépeignant avec justesse et nuances chaque ambiance émotionnelle sombre ou joyeuse. Lorsqu’on parcourt les pages de ce livre, on se régale de cet environnement magique typiquement japonais fait d’esprits de la nature et de Yôkai dont Shigatsuya a su saisir l’essence et la retranscrire.