Pourquoi le Japon sait mieux exploiter ses licences que la France ?
Il faut comprendre qu’historiquement la Fance ne s’est intéressée au licencing du produit dérivé que très récemment. C’est depuis peu que, lors de la conception d’un projet, les producteurs pensent à intégrer en amont une personne chargée du développement et de l’exploitation des licences. Résultat : que ce soit au niveau de la qualité ou de la variété, les produits dérivés issus de licences Française sont souvent très en deçà de ce qui existe au Japon.
Yvan West Laurence (fondateur et ancien rédacteur en chef d’Animeland) nous cite le cas de Marathon Production qui a su exploiter intelligemment le succès de Totally Spies en développant en interne des produits dérivés. Cette approche permet de limiter la durée qui sépare le lancement du produit premier (film, Série TV) du lancement de ses produits dérivés.
Ainsi ce timing permet de profiter à plein du phénomène de mode lorsqu’il est au plus fort. C’est une véritable symbiose qui se crée car les produits dérivés par leur présence (marketing et dans les rayons) participent aussi à la publicité du produit premier, amplifiant ainsi sa notoriété.
La prépublication, un atout marketing
Dans la BD c’est plus délicat, il fallait parfois attendre 20 ans pour voir de figurine débarquer sur le marché. Cette frilosité s’explique parce que les licenciés naviguent dans le flou le plus total car ils ne peuvent se fier qu’à leur feeling pour voir ce qui va marcher. Du coup, ils préfèrent attendre que la réputation du produit soit certaine avant de lancer des produits dérivés.
Au Japon c’est un peu différent, car les prépublications hebdomadaires permettent d’avoir un retour très précis sur les attentes du publique (notamment grâce à des sondages réguliers). Du coup les licenciés savent que lors de la sortie d’une version reliée d’un manga, le produit premier a déjà fait ses preuves. A partir des données recueillies, on peut jauger facilement la potentialité des licences qui en découlent et de fabriquer plus sereinement et plus rapidement des produits dérivés.
Symbiose entre Manga et Animation
Ce cercle vertueux profite aussi au monde du dessin animé car ils sont souvent issus de l’adaptation d’un manga à succès. Comme le fabriquant de jouets peut prédire le succès du dessins animé d’après le succès du manga, le risque est donc limité. Par conséquent, le fabriquant peut se décider dès la mise en chantier de la série et préparer de son côté le lancement de produits dérivés. Ainsi les délais sont suffisamment raccourcis pour permettre aux produits dérivés de sortir en même temps ou juste après la diffusion de l’animé.
La France peine à rattraper le Japon
Contrairement au Japon, avoir une approche marketing de l’exploitation d’une licence est quelque chose de relativement nouveau en France. Pendant longtemps cette logique du produit dérivé a été sous exploitée. Au-delà d’une BO, des DVD ou de quelques T-shirt on ne savait pas mettre à profit une licence. L’exemple de Dragon Ball est édifiant. Malgré un succès est incontestable, il a fallu 8 ans à AB production pour mesurer la portée de cette licence et proposer des produits dérivés ainsi qu’un film au cinéma. Au moins, lorsqu’ils s’y sont enfin mis, ils ont fait les choses bien en proposant une pléthore de produits dérivés dont des figurines de qualité, qui, pour certaines, étaient inédites même au Japon.
Le poids des fans et des collectionneurs
L’une des raisons pour lesquelles le marché du produit dérivé et surtout de la figurine de qualité est sous évalué par rapport au Japon, tient au fait que le Japon a pris conscience du potentiel que représente les Otaku (collectionneurs passionnés). La France ignore le marché potentiel que représentent les collectionneurs et les fans car l’on considère trop souvent que les adultes intéressés par une figurine ou une peluche (Transformers ou Hello Kitty par exemple) appartiennent à une « minorité d’attardés » qui n’ont pas su grandir. La réalité est tout autre, le succès de Japan-Expo donne un aperçu de la variété des profils que l’on peut rencontrer parmi ces passionnés (enfants, ado, étudiants, jeunes parents).
Le passionné qui collectionne des figurines de série TV ou de film n’est pas moins dérangé que celui qui s’intéresse aux miniatures de trains, de voitures ou d’avions. Les producteurs des Etats-Unis et du Japon ont déjà intégré depuis longtemps cela et ils savent tenir compte des potentialités que représente le marché des passionnés et des collectionneurs. La France, quant à elle, commence juste à en prendre la mesure, cela explique aussi pourquoi les licences tirées de nos productions sont encore sous exploitées sur notre sol comme à l’étranger.
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