Serveur pirate Dofus : Kay Paradize condamné en justice
L’expansion des serveurs privés touche de nombreux jeux en ligne et Dofus avec ses 2 millions de joueurs actifs représente forcément une cible de choix. Les serveurs privés ont proliféré au point qu’Akama a fini par réagir en embauchant une juriste à plein temps pour endiguer ce phénomène.
Les résultats ne se sont pas fait attendre et pour son second procès du genre Ankama a obtenu gain de cause au TGI de Lille. Le 17 novembre 2011 les deux administrateurs de Kay Paradize (19 et 20 ans) ont écopé respectivement de 8 et 18 mois de prison avec sursis assorti d’une mise à l’épreuve et d’une obligation d’indemniser Ankama pour un montant de 250 000 euros.
Motivations des accusés
Les accusés qui géraient ce serveur pirate ont fait valoir qu’ils ont agi par défis afin de proposer la première version du jeu aux fans nostalgiques de Dofus (cette version n’étant plus accessible suite à une évolution majeure). Leur défense était basée sur le fait qu’ils ont agi par passion et que la recherche du profit n’était pas leur motivation.
Malheureusement pour eux, le juge a eu du mal à accorder du crédit à une telle défense vu qu’en seulement 18 mois, ils ont réussi à engranger 250 000 euros.
Aux yeux du tribunal, la logique mercantile était évidente puisque les deux administrateurs avaient développé un modèle économique élaboré avec plusieurs moyens de paiement et l’ouverture de plusieurs serveurs pour faire face à une demande croissante ayant atteint 33000 utilisateurs au moment de l’interpellation par la PJ lilloise.
Objectifs d’Ankama
Alors que la RIAA américaine lutte contre le piratage en faisant des procès massue et en demandant des indemnités de plusieurs millions de dollars que les malheureuses victimes ne pourront jamais payer, l’approche d’Ankama semble très différente.
En effet, bien que l’éditeur ait estimé le préjudice subi à 1,4 millions d’euros, au final, l’indemnité demandée est presque 6 fois plus faible. Ankama souhaitait que le montant du dédommagement corresponde exactement aux gains engrangés par les administrateurs car selon Ankama, l’objectif n’est pas ruiner la vie de ces deux jeunes en leur demandant une somme qu’ils ne pourront jamais rembourser, mais d’envoyer un message fort pour tenter de faire prendre conscience que les serveurs privés parasitent leur activité.
L’éditeur veut faire comprendre que le préjudice n’est pas seulement financier, il est aussi une nuisance en terme d’image. Dans ce type de serveurs, le jeu est complètement dénaturé car la logique économique qui y règne est basée sur la vente d’équipements puissants. En clair, les joueurs fortunés peuvent progresser plus vite. Or, Ankama a toujours fait en sorte que l’argent réel ne soit jamais un facteur d’amélioration des caractéristiques des joueurs pour que chaque utilisateur ait les mêmes chances.
Tentative amiable avortée
Pour éviter de perdre son temps et ses ressources dans un procès, Ankama a d’abord contacté les administrateurs pour les inciter à fermer. Devant le refus de leur part, en avril 2011 Ankama a demandé à l’hébergeur de fermer le serveur. L’hébergeur s’est exécuté, malheureusement, une faille législative de la LCEN permet d’ouvrir un nouveau compte à la même personne et avec le même contenu immédiatement après.
N’ayant plus d’autre choix, une procédure judiciaire a été engagée pour faire cesser l’activité de Kay Paradize.
Conséquences réelles
On peut penser que les deux administrateurs s’en tirent à bon compte puisqu’ils doivent seulement rembourser les gains illégalement acquis, mais en réalité, ce ne sera pas aussi simple car une bonne partie de cet argent a été dépensé, en effet il a été porté à l’attention du juge qu’en l’espace de 4 mois seulement, plus de 10 000 euros ont été flambés en boîtes de nuit, locations de limousines, iPad et autre gadget électroniques. D’autres dépenses conséquentes ont été effectuées (voiture), ce qui veut dire qu’une grosse partie de la somme a disparu. Il probable qu’ils devront travailler quelques années pour arriver à rembourser la différence.
En ce qui concerne les 33000 utilisateurs de Kay Paradize, Ankama n’a pas l’intention de les attaquer car la cible est avant tout ceux qui s’enrichissent sur leur dos. Le but était de marquer le coup pour attirer l’attention sur la problématique des serveurs pirates et non de faire la chasse aux sorcières.
Il apparaît clairement qu’au-delà de l’obtention de la fermeture de Kay Paradize, cette victoire judiciaire semble être avant tout une victoire en terme de communication pour amorcer une prise de conscience auprès de ceux qui exploitent des serveurs pirates.