Les pirates sont des clients potentiels insatisfaits
Alors que la tendance générale de tous les éditeurs jeux vidéo est de pointer du doigt le « vilain pirate » comme un irresponsable coupable de tous les maux de leur industrie, dans un discourt lui-même honteusement piraté sur celui de l’industrie du disque et du film, il arrive parfois qu’on entende au détour d’une conférence un autre son de cloche, un peu moins manichéen et surtout beaucoup moins naïfs.
Jason Holtman, responsable du développement économique de l’éditeur de jeu vidéo Valve, a porté un regard neuf lors d’une conférence du Game Business Law Summit en expliquant que le piratage pourrait être significativement réduit si les éditeurs de jeux vidéo avaient le bon sens de faire des sorties simultanées dans tous les pays. Pour argumenter ses dires il a pris pour exemple le marché russe : "Chez Valve, nous sortons tous nos jeux en même temps, Russie comprise. Quelle est la raison qui pousse les russes à télécharger massivement des contenus numériques ? C’est tout simplement parce que les russes ont accès aux mêmes informations que nous via les magazines, la télévision internationale ou le Web. Ils connaissent toutes les dernières sorties culturelles et malheureusement pour eux ils ne peuvent y accéder car les délais d’adaptation des contenus à leur langue et leur pays sont tels qu’ils préfèrent tous se tourner vers le téléchargement pour avoir rapidement accès à ces films, ces musiques et ces jeux qu’ils attendraient indéfiniment autrement !" (lorsqu’ils arrivent réellement sur leur territoire…)
Il ajoute : "Nous avons remarqué que notre taux de piratage a considérablement diminué lorsque nous avons sorti les jeux en Russie. Il y a un vivier de clients à y découvrir…"
"En fait, les pirates sont juste des consommateurs potentiels mal servis."
Et a ce sujet, il ne s’est pas privé pour attaquer un des points noirs de la distribution dématérialisé : les DRM en rappelant que l’attitude des plus gros éditeurs qui consiste à vouloir sur-sécuriser leurs jeux pénalisent finalement leurs clients et non les pirates.
On en arrive parfois à des aberrations lorsque les clients eux-mêmes finissent par pirater un jeu qu’ils ont acheté pour éviter les problèmes d’installation (qui a dit Spore ?)…
L’analyse de Holtman sonne presque comme une évidence pour beau nombre de personnes qui « piratent » à commencer par les amateurs de fan-sub (voir l’interview de Timetowin ), cependant l’industrie culturelle a une telle inertie lorsqu’il faut remettre en question ses modèles économiques que les choses bougent lentement. Mais ne nous leurrons pas non plus, les propos de Jason Holtman ne sont pas désintéressés. En effet, pour pouvoir facilement et à moindre coût distribuer mondialement un contenu culturel numérique, seul le téléchargement est adapté. Or, Jason Holtman travaille aussi pour Steam, la solution de vente de jeux en ligne leader du marché. Son discours apparaît alors sous un jour nettement plus orienté.
Cependant malgré cela, ses propos restent pertinents, car dans un marché mondialisé et en pleine mutation, il n’y a pas de raison de rester sur un système de distribution hérité d’une autre époque.