Bunta Fujiwara (Initial D)
Bunta est le père de Takumi dans le manga Initial D. Âgé de 43 ans, c’est un ancien pilote de rallye reconverti dans la fabrication et la vente de tofu. Il est le propriétaire d’une Toyota Sprinter Trueno GT-APEX (AE86) dont il se sert pour faire les livraisons. Cette petite sportive n’est plus tout à fait dans sa configuration d’origine : comme Bunta est un mécanicien aguerri, il a revu les réglages de la suspension pour augmenter son adhérence sur la route du col d’Akina. C’est avec cette voiture qu’il a acquis la réputation d’être imbattable sur ce col dans une descente de vitesse.
Famille
Dans le manga, on ne sait que très peu de choses sur Bunta : il vit seul avec son fils, mais aucune explication n’est donnée sur l’absence de la mère de Takumi. On ne sait donc pas si Bunta est divorcé ou veuf. On sait juste que le père de Takumi élève son fils seul et que ça n’a pas toujours été facile financièrement (page 137 du tome 16, Takumi et Bunta évoquent l’époque difficile où on leur coupait le courant).
En ce qui concerne la mère de Takumi, on peut faire quelques suppositions : étant donné que ni lui ni Takumi ne parlent jamais la mère de Takumi et qu’il n’y a aucune photo d’elle nulle part alors, il est fort probable qu’il y a un fort ressentiment de ces deux hommes vis-à-vis de cette femme. Un tel sentiment négatif pourrait venir du fait qu’elle les ait abandonnés tous les deux et n’ai plus jamais donné de nouvelles. Cette hypothèse est d’autant plus probable que c’est la piste retenue pour le film réalisé en 2005, mais nous verrons cela plus tard.
Amitiés
La vie sociale de Bunta n’a pas l’air particulièrement intense, le seul « ami » qu’on lui connaisse est Yūichi Tachibana, le gérant de la station service où travaille Takumi. On ne peut pas dire qu’il ait avec lui un rapport spécialement proche. Yūichi l’apprécie mais Bunta ne semble lui porter qu’un intérêt limité, ça ressemble plus à une amitié à sens unique.
L’autre personne que Bunta semble apprécier est Masashi, le mécano qui a remplacé le moteur de la AE86 lorsqu’il a cassé (tome 11), mais peut-on réellement parler d’amitié ?
Père irresponsable ?
Bunta fait preuve d’un sens des responsabilités assez discutable, outre le fait qu’il fume en permanence devant son jeune fils au risque de lui filer un cancer, il l’a obligé à se lever tous les jours à 4h du matin pour faire des livraisons en voiture alors que Takumi était âgé de seulement 13 ans et ce manège a duré au delà de ses 18 ans.
Ce comportement est irresponsable à plusieurs niveaux :
- Le plus évident est que c’est illégal de conduire sans permis. Bunta tempère en disant que sur le col du Mont Akina, il n’y a aucune patrouille de police si tôt le matin (page 38 du tome1). Ce raisonnement montre à quelle point sa vision est réductrice car il occulte le fait qu’en cas d’accident provoqué par Takumi (même non responsable), l’assureur pourrait se retourner contre Bunta et lui faire payer les dégâts, ce qui dans le cas de blessure invalidante peut vite se chiffrer en centaines de milliers d’euros.
- Le second point qui montre le côté irresponsable de Bunta est qu’il impose un rythme de sommeil catastrophique à son enfant en coupant sa nuit en deux. Il n’est donc pas si étonnant que Takumi ait toujours l’air à moitié ailleurs pendant les cours.
- Le dernier point qui est probablement le plus grave, c’est qu’il risque la vie de son fils en l’envoyant livrer en montagne qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige. Ce qui est pire encore c’est qu’il est parfaitement conscient que son fils fonce comme un dératé sur les routes du col (vu que c’est lui qui change les pneus de la voiture).
Alors Bunta est-il juste un père irrécupérable ? Pas forcément, à sa décharge, dans la société japonaise, l’éducation des enfants est traditionnellement dévolue aux femmes, les jeunes garçons ne sont pas du tout préparés à ce rôle. Dans l’inconscient collectif japonais, la fonction du père est de faire vivre financièrement le foyer (c’est pour cela que des femmes demandent parfois le divorce au seul motif que leur époux est au chômage). Dans l’esprit de Bunta, il accompli son rôle de père car il subvient aux besoins matériels de son fils en lui offrant un toit et de la nourriture.
Bien que le comportement de Bunta nous semble dépourvu de sens des responsabilités, il faut se garder de juger trop vite et se mettre dans la mentalité de ce type de personne, en effet, page 135 du tome 1, il explique à Iketani qu’il ne peut pas lui donner de conseils car de son point vu seule l’expérience pratique permet d’apprendre. Voilà qui résume la façon de penser de Bunta, pour lui la seule façon qu’il a d’enseigner quelque chose à son fils, ce n’est pas en lui donnant des conseils, mais en lui offrant un cadre propice à l’apprentissage. Pour Bunta, les livraisons ont un double avantage : tout d’abord, ça offre à Takumi la chance de se former au pilotage sur une route très technique au volant d’une voiture préparée. C’est de cette façon qu’il s’est formé et il espère que son fils saisira l’opportunité. Ensuite, obliger son fils à se lever à 4h du matin pour travailler est une manière de lui enseigner la valeur du travail. Certains pourraient se dire qu’il fait cela pour économiser le coût du livreur, mais c’est faux car on apprendra plus tard que le salaire qu’il aurait dû payer à un vrai livreur a été mis de côté sur le compte en banque de Takumi (page 169 du tome 11). C’est avec cet argent qu’il pourra remplacer le moteur de la AE86.
On voit donc que Bunta a une vision très personnelle de l’enseignement : il offre les outils et un cadre propice et espère que son fils aura l’intelligence de profiter de cette opportunité. Cela dit ça ne marche pas toujours comme il se l’imagine. Bien que Takumi ait développé son talent pour la conduite, il a aussi en parallèle développé une aversion pour la voiture qui à ses yeux est un synonyme de corvée matinale. Pour tenter de lui faire changer de point vu, Bunta va manipuler son fils en faisant un marché pour l’obliger à participer à sa première course.
On sent qu’il suit de près les évolutions de son fils, veillant à lui fournir à chaque étape de son développement le matériel dont il a besoin que ce soit un nouveau moteur (tome 11) ou une voiture à 4 roues motrices (une Subaru Impreza WRX STi, voir page 164 du tome 25). En revanche, il est avare de conseils car il estime que l’on doit comprendre les choses par soi-même. Lorsqu’il se hasarde à donner des conseils, il reste évasif ou énigmatique. La seule fois où il a donné une directive claire et précise, ce n’est pas pour son fils mais par orgueil personnel. Takumi affrontait Kai Kogashiwa, le fils de Ken Kogashiwa, un de ses anciens rivaux et Bunta considérait que la défaite de Takumi aurait aussi été un peu la sienne (tome 15).
Un homme frustré
La fiche technique de ce personnage (page 163 du tome 1) révèle la profondeur de ses contradictions et de son mal-être. Il fait du tofu pour vivre, or, il est écrit qu’il déteste le tofu. Son boulot est donc purement alimentaire. Cet ancien pilote de rallye doit être très frustré de ne plus faire partie de la compétition. Même descendre le mont Akina ne doit plus lui procurer la même satisfaction qu’autrefois puisqu’il est marqué dans cette même fiche que sa spécialité est de s’endormir en plein dérapage ce qui traduit une profonde lassitude (sauf peut-être lorsqu’il a changé le moteur de la AE86). Il ressemble à un homme blasé qui ne s’épanouit plus vraiment nulle part, ni dans sa vie de famille ou de couple (inexistante), ni dans son travail, ni dans sa conduite. La seule chose qui recommence à susciter enfin un peu d’intérêt chez lui et de voir son fils progresser en tant que pilote. On peut se demander si ce n’est pas pour s’approcher un peu de lui et parvenir à trouver un terrain commun pour communiquer qu’il a tout fait pour le faire plonger dans le pilotage automobile, finalement, le seul véritable lien qui unis père et fils et qui leur permet d’être sur la même longueur d’onde est la AE86.
Dans le film de 2005
Le personnage de Bunta dans le film est différents sur deux points : Bunta est alcoolique et violent, il bat régulièrement son fils. Leur seul point commun est leur amour paternel pour Takumi. L’autre principale différence est que dans le film, Bunta fait faire les livraisons à son fils, non pas pour lui donner une chance d’apprendre à piloter, mais parce qu’il boit trop pour le faire lui-même.
Le film a l’avantage de donner quelques indications sur la façon dont Bunta en est arrivé à devenir un personnage aussi détestable. Apparemment c’était un pilote prometteur qui a tout plaqué par amour pour sa femme, il est allé jusqu’à fabriquer et vendre du tofu uniquement pour elle, afin de lui offrir un foyer stable. Malheureusement, peu après la naissance de Takumi, elle les a abandonnés tous les deux. Bunta avait tout perdu et se retrouvait à devoir continuer son boulot qu’il déteste uniquement pour élever son gamin. Cela explique pourquoi il est parfois violent avec son fils, inconsciemment, il reproche à Takumi sa situation actuelle car il le rend coupable de l’avoir empêché de refaire sa vie. Dans le manga c’est très différent, Bunta n’a aucune amertume vis-à-vis de Takumi, il ressent pour son fils une certaine fierté, bien qu’il estime que Takumi est loin d’égaler son niveau.
Synthèse
Que se soit dans le manga ou le film, le personnage de Bunta apparaît complexe, il transpire la frustration d’un homme avec un fort potentiel qui n’a pas réussi à s’accomplir. Son regard indifférant à tout et à tous, peine à masquer les blessures de la vie. Ce masque impassible qu’il se donne se fissure souvent, que ce soit envers Takumi ou Iketani lorsqu’il est blessé (tome 1), on voit alors que malgré les apparences, il a une grande sensibilité, voir même une certaine forme de fragilité. On pourrait se demander si fuir les interactions avec les autres n’est pas sa façon à lui de se protéger en évitant de s’impliquer émotionnellement, même lorsque son fils pleure suite à la casse moteur de la AE86, il ne lui lancera pas un seul regard, ne le prendra pas dans les bras, la seule chose qu’il fera est de mettre sa mains sur la tête et de consoler Takumi en lui disant qu’il n’y est pour rien (tome 10). Au fond, il fait ce qu’on attend de nos parents : être là discrètement pour nous aider à passer les épreuves difficiles qui mènent à l’âge adulte, n’est-ce finalement pas ça être un bon père ?
Beau boulot. Même si Bunta reste un père déplorable, cette présentation a le mérite de nuancer le tableau noir.